Après qu’une étude de la Cour des comptes a révélé que la réduction groupe-cible premiers engagements n’avait pas atteint son objectif, il a été décidé d’examiner le système de plus près et de le modifier en profondeur. Ces modifications sont entrées en vigueur au 1er janvier 2022. Nous les expliquons ci-dessous.
Forfait pour le premier travailleur
En 2016, dans le cadre du tax shift, il a été décidé de rendre la réduction pour le premier travailleur indéfinie et d’accorder cette réduction pour l’ensemble des cotisations de base. L’engagement d’un tout premier travailleur est ainsi devenu immédiatement très avantageux. L’étude de la Cour des comptes a toutefois révélé que cet avantage pouvait être appliqué de manière abusive pour octroyer des salaires très élevés aux travailleurs et subventionner des parties d’un groupe plus important, et qu’il ne s’est donc pas traduit par énormément de création d’emplois et de soutien aux entrepreneurs débutants.
Il a dès lors été décidé lors des négociations budgétaires de conserver la durée indéterminée, mais de revenir à une réduction forfaitaire. À partir de 2022, le forfait alloué au premier travailleur ne dépassera pas les 4000 euros par trimestre. Par conséquent, un salaire mensuel brut de 5333 euros pourra encore bénéficier d’une réduction totale. Cette limitation s’appliquera non seulement aux droits nouvellement ouverts après le 1er janvier 2022, mais aussi à tous les « premiers travailleurs », y compris ceux qui ont ouvert un droit avant 2022.
Si vous n’avez plus de travailleur en service pendant 12 mois, vous perdez le droit à la réduction pour le premier travailleur. Si vous engagez à nouveau du personnel par la suite, vous pouvez rouvrir le droit si vous remplissez toutes les conditions.
Définition du nouvel employeur
Pour vérifier si vous êtes un nouvel employeur, l’ONSS ne se penchera plus sur les quatre trimestres complets précédant la date de recrutement. Comme c’était déjà le cas pour le contrôle des remplacements au sein d’une unité technique d’exploitation (UTE), un délai de douze mois devra désormais être respecté. Ce délai court jour pour jour à compter de la date d’engagement. Pour pouvoir procéder à ce contrôle, vous devrez indiquer la date exacte de l’engagement dans votre déclaration DmfA. Le premier jour du trimestre de l’engagement était encore accepté jusqu’à fin 2021.
Définition de l’unité technique d’exploitation (UTE)
Ces dernières années, une certaine incertitude entourait le concept d’unité technique d’exploitation quant à l’application de la réduction. Les employeurs qui forment une UTE avec d’autres entités juridiques ne pouvaient bénéficier d’une réduction qu’à condition de créer une occupation supplémentaire. Une définition a été ajoutée à la législation afin de dissiper toute incertitude juridique quant à la participation ou non à une UTE. Il convient tout d’abord d’examiner l’existence d’un lien social et de membres du personnel et/ou d’administrateurs en commun. L’interdépendance socioéconomique, condition nécessaire pour parler d’UTE, est évaluée en fonction des critères suivants : activité, lieu, clientèle, matériel et gestion du personnel. En outre, une distinction supplémentaire est opérée entre les UTE simultanées et les UTE historiques à partir de 2022. Les règles de détermination du rang diffèrent par exemple selon qu’il s’agit d’une forme ou l’autre.
Une UTE simultanée désigne un groupe de deux entités juridiques ou plus agissant comme un tout. Il s’agit d’employeurs différents qui ont des administrateurs, du personnel et/ou des activités en commun. Par exemple :
- un commerce de gros et un service d’assistance informatique, s’ils sont hébergés dans différentes entités juridiques, mais ont le même propriétaire ;
- l’exploitant d’une boutique physique crée une nouvelle société qui vend les mêmes produits, mais sur une boutique en ligne ;
- un groupe d’entreprises actives dans le secteur des transports : la première s’occupe du transport frigorifique, la deuxième du transport par conteneurs, la troisième de l’entreposage et la quatrième de la gestion des bâtiments, de l’administration et du personnel.
En revanche, une UTE historique désigne deux employeurs ou plus qui ont entretenu un lien à une époque, par exemple parce qu’un employeur est né d’une scission d’un autre ou qu’il s’agit d’employeurs successifs, mais qui n’ont plus rien à voir au moment de l’engagement d’un nouveau travailleur. Par exemple : la reprise d’une entreprise par un nouveau propriétaire. Il peut également s’agir d’un travailleur d’une entreprise de plomberie qui démissionne pour se lancer en tant que plombier indépendant et reprend le matériel et une partie des clients qui vivent dans sa région.
Les travailleurs qui ont été repris par un nouvel employeur dans le cadre de la CCT 32bis après une faillite n’entrent pas en considération pour vérifier l’existence d’un lien social entre l’ancien et le nouvel employeur.
Décompte du rang
Comme indiqué précédemment, il existe désormais une distinction entre les UTE simultanées et historiques. Cette distinction est d’une grande importance pour déterminer le rang et donc la réduction dont vous pouvez bénéficier.
Si vous êtes actif au sein d’une UTE simultanée, le rang est déterminé au niveau du groupe. Tous les travailleurs (à l’exception par exemple des travailleurs occasionnels dans l’horeca, l’agriculture et l’horticulture, les travailleurs flexi-job, les temps partiels soumis à l’obligation scolaire, etc.) qui sont actifs auprès de tous les employeurs du groupe entrent donc en considération. La réduction ne peut toutefois être accordée qu’au niveau de l’employeur qui a procédé à l’engagement et à condition que toutes les règles soient remplies à ce niveau. Veuillez noter qu’aucun droit ne peut être ouvert si 6 travailleurs ou plus étaient déjà occupés en même temps au niveau de l’UTE simultanée dans les 12 mois précédant à l’engagement, même si le nouvel engagement entraîne une occupation supplémentaire au niveau de l’UTE.
Un exemple :
Deux sociétés font partie d’une UTE simultanée. L’une compte déjà 5 travailleurs. L’autre compte un dirigeant d’entreprise. Elles souhaitent procéder à un engagement supplémentaire, de préférence dans la société qui n’occupe pas encore de personnel. Cet engagement ouvre-t-il un droit à une réduction ? Si oui, à laquelle ? Aucun droit ne peut être ouvert dans la société qui ne compte pas encore de personnel. Bien qu’une occupation supplémentaire soit créée au niveau de l’UTE et que moins de six travailleurs aient été actifs dans l’UTE au cours des douze derniers mois, les conditions nécessaires ne sont pas remplies au niveau de l’entité juridique. Contrairement à avant (c.-à-d. avant le 1er janvier 2022), le droit au premier travailleur ne peut pas être ouvert. La nouvelle réglementation prévoit que seul le rang le plus bas soit éligible, en l’occurrence le sixième rang. Il s’agit en effet de l’engagement d’un sixième travailleur au niveau de l’UTE simultanée. Ce droit ne peut toutefois pas être appliqué à la société qui ne comptait initialement qu’un dirigeant d’entreprise. La réduction correspondant à un énième travailleur ne peut être appliquée au niveau de l’entité juridique que si un nombre de travailleurs n est en service. La seule possibilité d’appliquer une réduction pour un sixième travailleur est d’engager le nouveau travailleur dans la société qui compte déjà cinq travailleurs. Les sociétés pourraient alors bénéficier du droit pour le sixième travailleur.
Dans une UTE historique en revanche, le rang est déterminé au niveau de l’employeur, l’entité juridique, et donc pas au niveau de l’UTE. Il convient toutefois de tenir compte des travailleurs repris, à moins qu’ils n’aient été repris à la suite d’une faillite dans le cadre de la CCT 32bis du Conseil national du travail.
Un exemple :
Une entreprise de 2 travailleurs est scindée entre l’employeur A et l’employeur B. Ces deux employeurs forment ensemble une UTE historique. Après la scission, l’employeur A occupe un 1 travailleur. Après la scission, l’employeur B occupe 2 travailleurs. Une occupation supplémentaire est créée au niveau de l’UTE puisqu’un travailleur vient s’ajouter. Cette occupation supplémentaire ouvre le droit à une réduction pour l’employeur qui la crée, à savoir l’employeur B. La nouvelle réglementation prévoit que seul le rang le plus bas soit éligible. Il s’agit donc concrètement de l’ouverture d’une réduction pour le deuxième travailleur au niveau de l’entité juridique de l’employeur B.
Tolérance et occupation durable
La nouveauté depuis 2022 pour le décompte du nombre de travailleurs actifs dans une UTE est que le législateur prévoit une tolérance de cinq jours calendrier. L’objectif est ainsi d’éviter qu’une très brève augmentation temporaire du nombre de travailleurs entraîne l’impossibilité de bénéficier du droit à une réduction. Lorsque l’ONSS remonte 12 mois en arrière pour déterminer le nombre de travailleurs, les cinq jours calendrier où le nombre de travailleurs est le plus élevé ne seront donc pas pris en compte.
Le revers de la médaille est qu’au sein d’une UTE, le droit à une réduction ne peut être accordé que si l’engagement du nouveau travailleur est maintenu pendant au moins un mois. Ce n’est qu’alors qu’il s’agit d’une occupation durable pour laquelle une réduction peut être appliquée.
Pour les deux règles précitées, l’ONSS examine les chiffres et non les personnes qui ont réellement ouvert le droit. Si le nouveau travailleur engagé quitte son emploi après quelques jours, vous pouvez encore obtenir la réduction en engageant un nouveau travailleur dans la foulée.
Travailleurs temporaires exclus
Certaines occupations temporaires ou non entièrement soumises à des cotisations de sécurité sociale ne sont pas prises en compte pour déterminer si un employeur est « nouveau ». Cette liste comprenait déjà les étudiants jobistes, les domestiques, les travailleurs occasionnels dans l’agriculture et l’horticulture, etc. Les extras de l’horeca et les travailleurs flexi-job étaient toutefois pris en compte, mais ne donnaient pas droit à une réduction. Ces deux formes d’occupation seront donc également exclues à partir de 2022.
Poursuite des réductions actuelles
Il existe une règle qui s’applique non seulement à la réduction groupe-cible premiers engagements, mais aussi à toutes les réductions où l’on examine à la fois le respect des conditions du trimestre de la demande de réduction et du trimestre de l’engagement : il est possible de demander à l’ONSS la poursuite d’un droit précédemment ouvert. En règle générale, le droit d’appliquer la réduction prend fin lorsque l’employeur met un terme à son entité juridique. Dans certains cas de fusion, de scission et de continuation, la réduction peut toutefois être maintenue par l’employeur successeur. Il doit s’agir de l’une des situations visées aux articles 12:2 à 12:10 et 12:103 du Code des sociétés et des associations, ou d’une situation analogue. La procédure de demande de poursuite nécessitera moins de formalités. Il vous suffira de fournir à l’ONSS le modèle de déclaration complété, éventuellement accompagné d’un accord écrit dans lequel l’employeur successeur se déclare solidairement responsable des dettes sociales de l’employeur cédant. L’ONSS peut également demander cet accord à tout moment. Auparavant, le changement devait être publié au Moniteur belge et cette publication devait être envoyée à l’ONSS dans un certain nombre de cas.
Source :
Arrêté royal du 27 janvier 2022 modifiant l’arrêté royal du 16 mai 2003 pris en exécution du chapitre 7 du titre IV de la loi-programme du 24 décembre 2022 (I), visant à harmoniser et à simplifier les régimes de réductions de cotisations de sécurité sociale, M.B. 10 février 2022.