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Filip Fransen: l'entrepreneuriat durable du champ à la fourchette

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Quand on lui demande qui lui a transmis son amour de l’entrepreneuriat, Filip Fransen répond sans hésitation « mes parents ». Fort de son sens inné de la créativité et d’une vision extrêmement solide, il mène sa barque d’entrepreneur dans les eaux les plus tumultueuses. Aujourd’hui, il est chef du restaurant bruxellois Albert, il est derrière les fourneaux du traiteur Witlof, il a écrit un livre de recettes de fêtes et il donne des conseils sur la durabilité dans le secteur de l’horeca et de l’alimentation. Une savoureuse histoire d’entrepreneur qui s’articule autour de l’alimentation.

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Un entrepreneur né

« I work hard to keep food simple. » Filip Fransen est un homme d’action. Un entrepreneur créatif doté d’une bonne dose de curiosité. Enfant, il fabriquait de petits bateaux motorisés en mousse de polystyrène qu’il vendait à ses amis pour aller naviguer ensemble sur l’étang du parc. Adolescent, il a fréquenté l’école hôtelière, et même pendant ses études supérieures, la cuisine et l’esprit d’entreprise ne l’ont pas lâché. Pour payer ses études en gestion environnementale, il a offert ses services en tant que cuisinier à domicile durable.

« Après mes études, mon premier emploi consistait à conseiller les supermarchés sur la durabilité. Mais au bout d’un moment, j’ai compris que je n’avais qu’une envie : commercialiser moi-même des produits. Créer moi-même quelque chose me tenait plus à cœur que de donner des conseils. »

Il a combiné son amour de l’entrepreneuriat, de la cuisine et de tous les aspects liés à la durabilité dans sa société de restauration Witlof. Son projet était clair : une cuisine durable, honnête et simple. Il a également appliqué cette optique à sa dernière réalisation : l’ouverture de son restaurant en plein cœur de Bruxelles. Le restaurant « Albert » se trouve au cinquième étage de la magnifique Bibliothèque royale de Belgique.

Witlof

La durabilité comme moteur

Dans sa cuisine, Filip Fransen et son équipe ne travaillent que des aliments frais et respectueux de la planète. Sa principale motivation réside dans le sentiment d’injustice qui l’envahit lorsqu’il pense à la perte de biodiversité dans le monde. Ce sentiment qui le ronge depuis longtemps a été alimenté par la vision de sa famille et les nombreuses actions menées par le passé et à l’heure actuelle par des organisations environnementales.

« Nous savons tous que la planète a ses limites. Pourtant, nous continuons à nous considérer, nous, êtres humains, comme supérieurs. Pourtant, nous sommes connectés à tout ce qui nous entoure. Alors que nous sommes des êtres intelligents, nous laissons notre planète souffrir de nos activités. La nature ne peut pas se défendre et le fait que nous ne le faisions pas non plus me motive énormément. Je veux faire partie de la solution, pas du problème. »

Il se réjouit donc que de plus en plus de chefs et d’entrepreneurs du monde de la restauration se lancent dans une démarche durable. Witlof reste un cas relativement isolé dans le monde de la restauration. Néanmoins, la demande de restauration durable est grande, tant chez les particuliers que dans les entreprises. C’est pourquoi Witlof se concentre sur le « food sourcing ». « Mon équipe et moi-même rendons visite aux fournisseurs sur place afin de ressentir leur histoire et leur vision. Ce sont tous des gens passionnés par leurs préparations artisanales et leurs produits naturels. Si vous choisissez des produits de qualité, vous n’avez pas besoin de fioritures. »

La créativité est un travail d’équipe

Filip chérit son équipe. Pour lui, travailler avec d’autres personnes créatives représente le plus bel aspect du travail dans l’horeca. Par conséquent, il considère qu’une bonne ambiance au sein de son équipe est indispensable pour la réussite de ses entreprises. « Chaque jour, nous nous efforçons de faire preuve de créativité avec des produits, des techniques, des combinaisons. C’est pourquoi le menu du restaurant ‘Albert’ change tous les quinze jours. Un nouveau plat avec des légumes de saison ou un nouveau vin que nous avons découvert. Il s’agit d’un processus continu qui me tient à cœur. »

Son équipe va au-delà des personnes qui travaillent dans l’entreprise. Parmi ses collaborateurs, Filip compte également ses fournisseurs habituels. Ses maraîchers, par exemple, lui rendent visite chaque semaine pour lui faire savoir quels légumes sont les meilleurs à ce moment. En fonction de ce que ces fournisseurs locaux apportent, l’équipe du restaurant « Albert » laisse libre cours à sa créativité. Cette créativité repose entièrement sur la durabilité. « La nature nous donne tout ce dont nous avons besoin pour être créatifs. »

Filip reste très attiré par le contact humain présent dans l’horeca. Le respect des personnes qui contribuent au succès de son entreprise se traduit par un salaire équitable. « L’horeca est souvent considéré comme peu attrayant en raison des faibles revenus. Je ne veux pas de ça. Je veux que tous mes collaborateurs perçoivent un salaire équitable. Un salaire qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille et de rester motivés. À mes yeux, cela fait aussi partie de l’entrepreneuriat durable. »

Sa volonté d’octroyer à son personnel une rémunération équitable lui vient aussi de la prise de conscience du fait qu’on ne choisit pas délibérément de ne pas poursuivre ses études et, par conséquent, de gagner un faible salaire. « J’ai moi-même fait l’école hôtelière dans l’enseignement professionnel parce que je n’arrivais tout simplement pas à suivre les autres formations de secondaire à l’époque. Pourtant, quand j’ai décidé d’aller à la haute école après, j’ai réussi facilement. »

L’influence des facteurs environnementaux sur la réussite ou non d’un enfant à l’école reste très présente dans l’esprit de Filip. « Enfant ou adolescent, il y a certains aspects de la situation familiale que l’on ne maîtrise pas. On se retrouve alors à dix-huit ans avec un diplôme d’enseignement professionnel, alors qu’on n’a jamais pu développer ses compétences cognitives grâce à des facteurs que l’on ne contrôlait pas. C’est précisément la raison pour laquelle je veux maintenant utiliser ma position pour donner à mes employés un salaire équitable. »

I work hard to keep food simple.

Son évolution en tant qu’entrepreneur

L’entrepreneuriat prend du temps, surtout quand on veut se développer et concrétiser sa vision. Désireux de combiner son rêve d’entrepreneur à une vie de famille, Filip a dû faire des choix. « J’ai appris à refuser du travail et à me faire aider davantage. J’ai travaillé seul pendant longtemps, avec un peu d’aide çà et là. Plus tard, j’ai compris qu’il valait mieux investir dans une équipe soudée. Cette décision m’a permis de passer du statut de petit entrepreneur à celui de PME. Et cela m’a également apporté la certitude que tout se passe bien, même en mon absence. Tout cela grâce à mon équipe. »

Cet équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il ne le recherche pas uniquement pour lui. Il estime que cet équilibre est extrêmement important pour son équipe aussi. « Avec la crise sanitaire, de plus en plus de gens ont pris conscience du fait qu’il n’y a pas que le travail qui compte. En soutenant mon équipe, en lui donnant des responsabilités et en lui offrant un salaire équitable, j’entretiens sa motivation. Une équipe sur le qui-vive est synonyme d’assiettes créatives. C’est précisément pour cette expérience que les gens viennent à Witlof et Albert. »

Enfin, Filip partage le principal enseignement qu’il a tiré de son parcours entrepreneurial jusqu’à présent. « L’entrepreneuriat prend parfois des airs de jeu. Il réveille l’enfant qui sommeille en vous. Il vous permet d’être créatif, de vous mettre au défi et de grandir. Il me pousse à rester curieux et à construire une belle histoire. Comme quand j’étais enfant et que je construisais des cabanes. Et maintenant qu’on en parle, je pense que ces cabanes, j’allais même jusqu’à les vendre ! »

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