Chronique d’une rupture de courant annoncée

26 septembre 2018

Que faire en cas de future coupure de courant?

Nous savons déjà que nous devrons faire face, à certains moments cet automne et cet hiver, à une possible pénurie d’électricité. Nous en connaissons également les raisons. Le gouvernement a, depuis la première pénurie énergétique pendant l'hiver 2014-2015, posé les lignes directrices des mesures pouvant être prises en cas de pénurie d'électricité. 

Il a notamment été décidé de priver provisoirement d’électricité certaines zones et communes lorsque la quantité d’électricité à fournir ne sera pas suffisante. Si votre entreprise se situe dans une zone concernée, ces coupures d’électricité entraîneront sans aucun doute des interruptions de travail temporaires. 

Les updates socio-juridiques vous offrent un aperçu prêt-à-l'emploi de toutes les modifications dans le domaine de la législation du travail, de la fiscalité et de la sécurité sociale.

L'une des questions qui se pose alors est de savoir quelles sont les conséquences socio-juridiques d'une telle panne de courant. Nous devons à cet effet faire la distinction entre les conséquences d’une coupure de courant annoncée et celles d’une coupure de courant imprévue.

Coupure de courant annoncée

Gardez votre personnel occupé

Les coupures de courant devraient en principe intervenir entre 17h00 et 20h00. Il convient dans un premier temps de réfléchir à la manière dont vous pourrez éventuellement garder votre personnel actif pendant la coupure de courant ou encore de la façon dont vous pourrez limiter le nombre d’heures de travail perdues. Comment ?

⇒ Cherchez des alternatives

Vous pouvez par exemple prévoir des générateurs de secours, permettre aux travailleurs de faire du télétravail dans la mesure possible (mais leur domicile peut très bien se trouver aussi dans une zone de délestage, de plus vous ne pouvez imposer cette mesure unilatéralement), leur confier des tâches de substitution (toujours en conformité avec leur niveau de formation), ou, plus simplement encore, obliger vos travailleurs à garder la batterie de leur ordinateur portable toujours chargée, par exemple (et à sauvegarder leurs documents localement), etc.

⇒ Concertation avec le travailleur

Le plus simple est que vos travailleurs prennent une (demi) journée de congé au moment de la coupure de courant. Si vos travailleurs sont d’accord pour le faire, tant mieux, mais vous ne pouvez pas l’imposer.

Votre entreprise applique des horaires flexibles ? Vous pouvez alors leur demander d'utiliser les horaires flottants de manière optimale afin de limiter tant que possible les heures de travail pendant la période de panne de courant.

⇒ Horaires dans le règlement de travail

Les heures des coupures de courant étant déjà plus ou moins déterminées, vous pouvez également décider d’appliquer un autre horaire. Si cet horaire figure dans le règlement de travail, qu’il est communiqué à temps aux travailleurs, dans les règles, vous avez dans ce cas le feu vert pour l’appliquer.

Les choses sont par contre plus compliquées si vous voulez intégrer un nouvel horaire tout spécialement établi pour les heures de coupure de courant au règlement de travail. Pour modifier le règlement de travail, il convient de suivre la même procédure que pour son établissement : convocation du conseil d’entreprise, affichage de la modification, ouverture d’un registre et envoi d’une copie au Contrôle des lois sociales. On ne peut pas vraiment parler d’une solution prête à l’emploi.

Imaginons que vous n’êtes pas en mesure de maintenir votre personnel au travail. Que faites-vous ?  

Interruption temporaire

L’employeur est obligé de fournir du travail à ses travailleurs. Le fait que vos travailleurs ne puissent pas travailler temporairement en raison d’une coupure de courant ne vous décharge donc pas de cette obligation. Que devez-vous faire face à cette suspension du contrat de travail ?

Les travailleurs ont tout de même droit à la rémunération pour les heures pendant lesquelles ils n’ont pas pu travailler, conformément aux règles relatives au salaire journalier garanti : Art. 27 de la loi relative aux contrats de travail, 2e alinéa : « A droit à la rémunération qui lui serait revenue s’il avait pu accomplir normalement sa tâche journalière, le travailleur apte à travailler au moment de se rendre au travail [...] : 2° qui, hormis le cas de grève, ne peut pour une cause indépendante de sa volonté, soit entamer le travail, alors qu’il s’était rendu normalement sur les lieux du travail, soit poursuivre le travail auquel il était occupé. »

Cela signifie ni plus ni moins que les travailleurs ont droit à la rémunération pour les heures perdues.  

Interruption d’une journée complète

Si l’interruption de travail provoquée par la coupure de courant dure au moins une journée complète, vous pouvez mettre vos travailleurs, tant les ouvriers que les employés, au chômage temporaire pour des raisons de force majeure. L’équipe de nettoyage qui ne peut par exemple pas effectuer son travail le soir peut être mise au chômage temporaire pour des raisons de force majeure.

La force majeure suppose en effet un événement soudain, imprévisible, indépendant de la volonté des parties qui entraîne provisoirement une impossibilité d’exécuter pleinement le contrat de travail.

Il s’agit toutefois ici d’une coupure de courant annoncée. Dans le cadre de l'introduction du plan de délestage en 2014-2015, l'ONEm l'a cependant admis comme force majeure. Reste à savoir si l'ONEm adopte maintenant la même position. Nous continuons à suivre ceci pour vous et vous tenons informés. 

Transports en commun

Il est tout à fait possible qu'un employé vive et travaille dans une zone qui n'est pas déconnectée, mais qui est néanmoins affectée par des problèmes de transport public dus à une panne de courant. Qu’en est-il ?

Dans cette situation, les règles ordinaires du salaire journalier garanti doivent être appliquées. Art. 27 de la loi relative aux contrats de travail, 1er alinéa : « A droit à la rémunération qui lui serait revenue s’il avait pu accomplir normalement sa tâche journalière, le travailleur apte à travailler, au moment de se rendre au travail qui, se rendant normalement à son travail, ne parvient qu’avec retard ou n’arrive pas au lieu du travail, pourvu que ce retard ou cette absence soient dus à une cause survenue sur le chemin du travail et indépendante de sa volonté »

Les règles qui s’appliquent ici ne sont en rien différentes de celles en vigueur en cas de « simple » retard ou grève des transports en commun. Le travailleur doit tout mettre en œuvre pour arriver à l’heure au travail. Si une coupure de courant a été annoncée à l’avance, il doit s’efforcer de rejoindre son lieu de travail (à temps) d’une autre manière. Dans le cas contraire, il n’aura pas droit au salaire journalier garanti. 

Coupure de courant non annoncée

Interruption temporaire

Les travailleurs qui doivent interrompre leur travail en raison d’une coupure de courant imprévue ont également droit à la rémunération pour ces heures perdues. Le salaire journalier garanti vaut en effet ici aussi. Pour les travailleurs qui n’ont pas pu commencer à travailler et qui ne se sont pas encore partis travailler, une demande de chômage temporaire peut éventuellement être introduite pour raisons de force majeure.

Interruption d’une journée complète

Si l’interruption de travail provoquée par la coupure de courant dure au moins une journée complète, vous pouvez mettre vos travailleurs, tant les ouvriers que les employés, au chômage temporaire pour des raisons de force majeure. Une coupure de courant qui n'a pas été annoncée pourrait être considérée comme une forme de force majeure. La force majeure suppose un événement imprévu et inévitable indépendant du libre arbitre des parties (tant les travailleurs que l'employeur) qui rend temporairement l'exécution du contrat totalement impossible.

C'est ainsi que l'ONEM doit approuver à chaque fois le chômage temporaire pour cause de force majeure. Vous ne serez donc jamais sûr à 100% à l'avance que le chômage temporaire sera accepté, vous devrez toujours introduire une demande écrite auprès du bureau de chômage.  

Transports en commun

Si le travailleur est surpris par une coupure de courant soudaine et par la perturbation qu’entraîne cette coupure dans les transports en commun, il doit encore tout mettre en œuvre pour rejoindre son lieu de travail. Dans ce cas le salaire journalier garanti sera appliqué pour les heures perdues.

Conclusion

Étant donné que les coupures de courant seront en majorité annoncées à l’avance, et que ces dernières ne dureront que quelques heures, vous devrez dans la majorité des cas verser le salaire journalier garanti aux travailleurs qui n’ont pas pu poursuivre leur travail.

Ce n’est que dans le cas où les travailleurs n’ont pu travailler une journée complète en raison de la coupure de courant qu’il est possible de recourir au chômage temporaire pour des raisons de force majeure. Il n'est pas encore clairement établi que l'ONEm l'accepterait pour une coupure de courant annoncée. Nous continuons à suivre ceci pour vous et vous informerons des développements à venir. 

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