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Motivation du licenciement et licenciement manifestement déraisonnable dans le secteur public.

La loi du 13 mars 2024 sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public a fêté sa première année d’application le 1er mai dernier. Nous profitons de cet anniversaire pour nous intéresser à cet aspect spécifique du licenciement des travailleurs contractuels du secteur public.

Cette loi a créé un cadre légal longuement attendu pour une obligation qui avait déjà été introduite pour le secteur privé il y a 10 ans par le biais de la CCT n°109. 

Ce régime prévu dans la loi du 13 mars 2024 s’apparente effectivement à celui de la CCT n°109 mais diverge néanmoins sur certains points, notamment en ce qui concerne la spécificité du secteur public.

La CCT n°109 trouve son fondement dans la loi du 23 décembre 2013 concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvriers et employés (« loi sur le statut unique »). Celle-ci visait l’harmonisation des deux statuts en supprimant quelques différences discriminatoires entre les deux, entre autres en élaborant un régime similaire en ce qui concerne la motivation du licenciement. Jusqu’alors, seuls les ouvriers pouvaient avoir recours à ce régime repris à l’article 63 de la loi relative aux contrats de travail. Les employés qui estimaient être victimes d’un licenciement manifestement déraisonnable étaient obligés de faire appel à la doctrine générale de l’abus de droit. 

Le but initial de cette loi consistait donc à faire disparaître complètement le régime relatif au licenciement abusif (ex art. 63) par l’introduction d’une obligation générale de motivation du licenciement tant pour les ouvriers que pour les employés dans tous les secteurs, donc également dans le secteur public. Cependant, le régime instauré par la CCT n°109 s’appliquait uniquement au secteur privé. 

Tant qu’il n’y avait aucun régime pour les travailleurs du secteur public, l’article 63 ne pouvait donc pas être supprimé. Ce régime a désormais vu le jour grâce à la loi du 13 mars 2024. 

Champ d’application

La loi du 13 mars 2024 s’applique uniquement aux travailleurs contractuels du secteur public. 

Pour les statutaires, les règles applicables à leurs licenciements sont reprises dans des textes légaux distincts.

En Flandres, ces dispositions légales ont d’ailleurs fait l’objet d’une modification récente suite à l’adoption du « décret licenciement » qui est entré en vigueur le 1er octobre 2023. Ce décret contient une réforme fondamentale du droit disciplinaire et du droit de licenciement des membres du personnel statutaire, mais cela ne fait pas l’objet de cette contribution. 

Conformément à la définition de l’article 2, §1 de la loi du 13 mars 2024, celle-ci s’applique à tous les employeurs qui ne relèvent pas du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. 

C’est le cas de la plupart des employeurs publics, mais pas tous. Un certain nombre d’employeurs, comme la Banque nationale de Belgique, la Loterie nationale, Ducroire, les sociétés de logement social agréées conformément aux codes du logement des Régions et les SA de droit public Brussels South Charleroi, n’en font pas partie. Cette liste non exhaustive n’a cessé de s’allonger au fil des années. De manière générale, on peut affirmer que lorsqu’une entité exécute une tâche d’intérêt public et présente des caractéristiques de droit privé et de droit public, en l’absence d’un contrôle réel des autorités, l’aspect du droit privé primera et cette entité relèvera du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968. 

Cette loi ne couvre pas non plus toutes les situations : l’article 2 §2 premier alinéa exclut un certain nombre de situations de son application. Certains concepts sont parfois abordés de manière différente dans la loi, comme le licenciement pour motif grave, qui y est d’ailleurs totalement exclu. La CCT n°109, quant à elle, ne permet pas d’invoquer cette forme de licenciement pour la partie qui a trait à la motivation, mais applique les règles du licenciement manifestement déraisonnable. 

Obligation d’audition  

L’obligation d’audition, qui n’est pas prévu dans la CCT n°109, joue un rôle majeur dans le licenciement d’un travailleur contractuel du secteur public. 

À titre de principe général de bonne administration, l’administration qui entend entreprendre une mesure grave envers une personne qui est fondée sur son comportement personnel doit effectivement lui donner la possibilité de faire connaître son point de vue de manière utile. Ce principe général est ancré dans cette nouvelle loi. 

Concrètement, cela implique que l’employeur, avant de procéder au licenciement, doit inviter le travailler à un entretien au cours duquel le travailleur a la possibilité de faire valoir ses remarques à l’encontre des griefs qui lui sont reprochés. Afin d’utilement préparer cet entretien, l’administration est par ailleurs tenue d’informer préalablement le travailleur des motifs et des faits qui lui sont reprochés et doit également lui donner suffisamment de temps pour préparer celui-ci. 

L’obligation d’audition ne doit toutefois être respectée qu’en cas de licenciement lié à la personne ou au comportement du travailleur, et donc pas en cas de licenciement fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. 

Le non-respect de l’obligation d’audition est sanctionné par une indemnité égale à deux semaines de salaire.

Motivation du licenciement

Dans le secteur public, si l’employeur décide de licencier le travailleur malgré tout, la notification doit se faire par écrit et doit contenir les motifs concrets qui ont mené à cette décision (même s’il s’agit d’un licenciement fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service).

Ici aussi, on s’écarte des dispositions de la CCT n°109 : la loi du 13 mars impose à l’employeur de porter la motivation du licenciement à la connaissance du travailleur avec la lettre de licenciement. Le membre du personnel ne doit donc pas adresser lui-même une requête à son employeur afin de demander la motivation de son licenciement ; aucun délai distinct n’est donc prévu comme dans la CCT n°109. 

Une description des motifs doit être mentionné dans le courrier de notification du licenciement, à savoir tous les motifs qui ont conduit au licenciement et ce, afin que le travailleur puisse avoir une bonne idée de la motivation de celui-ci. Une simple référence à l’audition ne suffit pas, par exemple. 

Si l’employeur ne motive pas suffisamment le licenciement, une sanction égale à deux semaines de salaire est valable ici aussi. Il appartiendra à la jurisprudence de décider si cette sanction pourra être cumulée avec celle prévue en cas de violation de l’obligation d’audition. 

Jusqu’à présent, il ressort de la jurisprudence que les tribunaux se montrent généralement très critiques quant à la véracité des motifs de licenciement invoqués et ce, quelle que soit la situation. Par conséquent, et même s’il a motivé correctement le licenciement, un employeur prudent a tout intérêt à réunir suffisamment de preuves concernant les motifs de licenciement avancés afin de pouvoir contester avec succès (ou, mieux encore, éviter) une action en justice d’un travailleur licencié visant à obtenir une indemnisation pour licenciement manifestement déraisonnable.

Licenciement manifestement déraisonnable

La loi reprend la définition du licenciement manifestement déraisonnable de la CCT n°109. La définition formule le principe qu’il doit s’agir d’un licenciement auquel un employeur normal et raisonnable n’aurait jamais procédé. Il est attendu de l’employeur qu’il fasse preuve de la prudence nécessaire lorsqu’il examine si le licenciement peut être raisonnablement justifié. En cas de contestation, le juge doit respecter la liberté de gestion de l’employeur, si ce dernier a exercé cette liberté de manière raisonnable. Le juge pourra seulement vérifier si le licenciement est lié à l’aptitude, au comportement ou aux nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service et si la preuve en est apportée. 

Dans le cadre de la CCT n°109, il revient au travailleur d’apporter la preuve qu’il y a licenciement manifestement déraisonnable, sauf si l’employeur a refusé de répondre à la demande de motivation du travailleur. Dans ce dernier cas, la charge de la preuve retombe sur l’employeur.  

Le régime est semblable dans la loi du 13 mars puisqu’il appartient au travailleur de prouver que le licenciement est manifestement déraisonnable, sauf si l’employeur n’a pas motivé le licenciement ; dans ce cas, c’est à l’employeur de prouver que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable. 

Si le licenciement est considéré comme manifestement déraisonnable, le travailleur a droit à une indemnisation ; celle-ci est égale à celle prévue dans la CCT n°109, à savoir une indemnité allant de trois à dix-sept semaines de rémunération.

Qu’advient-il si l’administration a adopté une procédure de licenciement particulière dans ses propres statuts ?

La loi du 13 mars doit être considérée comme un cadre, qui peut être complété et détaillé par les statuts propres ; toutefois, ces derniers ne peuvent contenir de dispositions contraires à la loi. 

Par ailleurs, cette position est également adoptée par rapport au régime élaboré dans le statut du personnel flamand, dans lequel le droit d’entendre a été assorti de droits particuliers du membre du personnel concerné et de délais spécifiques. 

Ce statut ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect du droit d’entendre, de sorte que la loi s’applique.

Conclusion

La loi du 13 mars 2024 a repris la CCT n°109 dans les grandes lignes, mais en accordant un rôle majeur au principe de bonne administration, qui a été explicitement intégré par le droit d’audition préalable.

Les obligations administratives de l’employeur sont également encore alourdies en prévoyant que la motivation du licenciement doit être communiquée dans la lettre de licenciement et que le travailleur ne doit pas demander explicitement la communication de la motivation de celui-ci.

Les administrations locales doivent tenir compte de cette loi dans l’élaboration de leurs statuts et veiller à ce qu’aucune disposition ne soit contraire à la loi.

Acerta dispose des connaissances nécessaires pour aider les administrations locales pour ce faire.

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